Vivre au Japon, petits tracas quotidiens (4)

Économies d’énergie, are you kidding me ?!

On nous aura bien cassé les pieds à coup de reportages sensationnalistes tous plus fumeux les uns que les autres (non, tout le Japon n’est pas en ruines !), mais oui le Japon a bien été frappé le 11 mars 2011 par ce qui est de mémoire d’homme avec celle de 1923, la plus importante catastrophe sismique que le pays ait connu.

La conséquence, fort médiatisée fut la destruction suite aux dommages subis, de la centrale nucléaire de Fukushima.
Je laisse de coté les conséquences de la destruction d’un cœur de réacteur par la suppression de son refroidissement, ce n’est pas mon propos ici.

Je m’intéresse surtout aux conséquences qui touchent l’ensemble du pays et aux raisons profondes.

Premier point, une centrale de ce type en moins c’est quelques Mégawatts en moins de disponibles pour tout le monde. Ajoutons à cela la pression de l’opinion publique internationale qui force à arrêter le tout nucléaire, et dans l’immédiat, faire suspendre l’exploitation de toutes les centrales du pays, le fait peu connu que le nord et le sud du pays ne partagent pas les mêmes normes électriques (50Hz et 60Hz) et vous obtenez un cocktail détonant de pénurie énergétique.

Tellement détonant qu’il est intenable, le Japon a fait redémarrer la quasi totalité de ses centrales. Dommage pour les écolos, mais c’est l’explosion des rejets de CO2 car on utilisera à la place des énergies fossiles ou l’atome.
Non il n’est pas possible sur un coup de tête de tout couper, voilà c’est dit.

Conséquences de la crise de l’énergie, la facture explose.
Un japonais rira très fort de l’augmentation de quelques % de la facture de gaz devenue le marronnier de l’hiver en France depuis 2-3 ans.
A ceci se combinent plusieurs effets pervers insoupçonnés.

1- le décalage horaire

Étrange titre que celui-ci n’est-ce-pas ?
Il faut pourtant savoir que le Japon vit en décalé sur l’ensoleillement par rapport à par exemple la France.

En hiver au solstice il fait jour vers 7h et il fait nuit à 16h30, en été il fait jour à 4h et il fait nuit à 20h.
N’avez vous jamais remarqué dans vos dramas ou anime que les matsuri avec leurs feux d’artifice se font en famille avec des jeunes enfants ?
Imaginez vous cela en France où il faudrait attendre la nuit donc 22h30-23h en été, alors qu’il devraient déjà être couchés ?

De fait il faut allumer la lumière très tôt (à l’heure où j’écris ces lignes il est à peine 16h et il fait déjà très sombre), ce qui fait une consommation électrique importante sur l’ensemble d’un pays.

2- le climat

Le Japon s’étend sur plus de 3000kilomètres, il y a donc différents climats rencontrés mais d’une manière générale on peut s’accorder sur l’été écrasant, accompagné d’une humidité étouffante venue du pacifique.

La climatisation est une quasi-obligation et se trouve fleurissant partout sur les façades des immeubles, mais tout cela ne fonctionne pas sans, devinez ?
Électricité, une fois encore.


Et ne comptez pas sur la fraicheur nocturne, l’humidité fait que les températures ne baissent que très peu durant la nuit.

Après comme partout vous trouvez l’hiver qui apporte au moins le réconfort d’être la saison sèche, où l’humidité vous laissera tranquille certes, mais où du coup il faut passer son climatiseur en chauffage, ou sortir le radiateur.

Vient ensuite des spécificités avec le nord très froid à Hokkaido, voyant souvent la neige d’octobre à avril, et le très chaud au sud à Okinawa, qui a déjà un nom d’île tropicale. Il faudra donc dans ces régions redoubler les équipements pour garder une température de confort.

3- le logement

C’est là que le bas blesse franchement.


Les maisons et appartements japonais ne sont pas, loin de là, un modèle de conservation thermique. L’isolation est au mieux insuffisante, voire inexistante.
Le double vitrage est une exception, provoquant encore plus de déperdition.
En bref on passe son temps à gâcher du chauffage ou de la climatisation.

Pas de chauffage central non plus dans les immeubles, les vendeurs de chauffage portatifs et autres appareils tels les tapis chauffants ont de beaux jours devant eux.

Un exemple, dans mon appartement pourtant loin d’être mauvais ou délabré, on y constatera une température moyenne de 13 degrés si on ne fait pas fonctionner le chauffage de la journée, bien peu agréable de rentrer chez soi pour ne même pas pouvoir se découvrir, tout autant que pour s’habiller le matin.

Les problèmes de sismicité et d’humidité faisant gonfler la facture d’architecte, les constructions ne sont pas aussi bien conçues en terme d’isolation qu’elles devraient être, et un cahier des charges français passe pour un conte de fées.
A noter bien sûr les exceptions des extrêmes, un immeuble de Hokkaido sera bien plus isolé car dans cette région le froid est vraiment mordant voire serait mortel dans un logement mal conçu.

La conclusion ?


On peut voir des labels sho-enerugi (省エネ faible énergie) vantés partout mais ce ne sont que des pis-aller à des problèmes de fond, racheter un appareil qui fait la même chose que l’ancien pour prétexte qu’il consomme moins d’énergie est un véritable gâchis et est très répandu.

Des publicités risibles fleurissent sur les espaces publicitaires (« voulez vous du bon air ou de l’air prémium ? » pour une climatisation, comprenne qui pourra, ça vend du rêve) mais on ne fait que repousser la vraie question qui est « comment ne plus gâcher l’énergie ».

c’est justement là où la France et l’Allemagne notamment font beaucoup d’effort depuis 30 ans avec des normes, des équipements pour les maisons individuelles (le double vitrage est devenu un automatisme), des immeubles HLM retapés intégralement pour ne plus alimenter en vain un chauffage central qui ne fait que perdre la chaleur qu’il produit, etc.
Enfin même si l’on n’importe pas le concept de l’heure d’hiver, heure d’été, peut être qu’avoir de l’ensoleillement jusqu’à 22h serait plus utile que d’en avoir dès 4h quand 90% de la population dort encore…

Bref, juste quelques idées pour gagner quelques Mégawatts devenus précieux.