Mastodon : comment ça marche, et mon expérience

Si vous êtes sur Twitter ça ne vous aura sans doute pas échappé : suite au rachat de ce dernier par Elon Musk, et vu les frasques du bonhomme, il paraît assez évident que Twitter va changer, et pas forcément en bien. Aujourd’hui il est un peu compliqué de prédire ce qu’il va réellement se passer. Les plus pessimistes et alarmistes vous diront que le réseau social est déjà mort tandis que d’autres vous diront qu’il va lentement tomber en ruines pour diverses raisons.

Mais nous ne sommes pas là pour parler de Twitter. Il y a des alternatives à ce dernier, notamment une qui existe déjà depuis de nombreuses années, et c’est Mastodon.

Cependant, Mastodon n’est pas Twitter, pour pas mal de raisons. Je vais tenter de vous expliquer tout cela le plus simplement du monde, puis je parlerai un peu de mon expérience en tant que gêrant d’un bout de Mastodon, qu’on appelle une instance.

Notez que je vais soulever beaucoup de points négatifs concernant Mastodon, mais qu’en réalité, c’est simplement pour que vous ayez conscience des différences fondamentales entre les deux réseaux sociaux. Certains incovénients peuvent être retournés en avantages, d’autres pas. C’est à vous de vous faire votre idée.

Mastodon, un réseau social décentralisé…

Déjà il faut expliquer ce qu’est un service décentralisé vs. centralisé.

Quand Internet a été crée il était composé de multiples réseaux qui étaient interconnectés, et personne n’y faisait sa loi plus qu’un autre : il y avait différents protocoles dont certains existent encore aujourd’hui, comme l’email, et comme c’étaient des standards, ils étaient interopérables entre eux. C’est à dire que quand on a son mail en @axelterizaki.com on peut parler à quelqu’un en @maids.fr. On peut envoyer et recevoir des mails d’un autre domaine parce que la langue dans laquelle se parlent les serveurs mails entre eux est standardisée. On parle alors de décentralisation, comme les sites web le sont depuis toujours.

Le problème c’est qu’aujourd’hui et depuis les années 2000 en règle générale, on assiste à une recentralisation d’Internet. C’est un souci plus global et Facebook et Twitter ont remplacé les blogs via un service centralisé, tandis que Discord a remplacé le chat instantané et décentralisé qu’était IRC + Mumble/Teamspeak. De la même façon, le modèle centralisé a des avantages et des désavantages, mais on va pas non plus vous parler de Discord (j’en ferai peut-être un billet plus tard)

Dans un modèle centralisé, on dépend d’une seule entité, ici Twitter. Tout le monde doit passer par Twitter pour lire, pour poster. Nos données (ce que l’on poste, ce que l’on voit, etc.) sont la propriété de Twitter. Si on est pas content des règles de Twitter (censure, ban injustifié, modération trop lente, etc.) on ne peut pas y remédier en utilisant un autre service car pour parler aux gens sur Twitter on doit utiliser le service de Twitter.

C’est un service centralisé.

Mastodon arrive donc dans la seconde moitié des années 2010 et propose une architecture différente, et donc des habitudes différentes.

Car Mastodon, comme IRC à l’époque, comme les mails, est décentralisé.

Cela implique qu’il n’existe pas qu’un service Mastodon, comme il n’existe qu’un seul Twitter, mais plutôt une myriade de services Mastodon qui se parlent entre eux. Vous pouvez vous inscrire sur l’instance Mastodon shelter.moe et suivre et parler avec des gens sur mastodon.social (l’instance principale gérée par les devs). Ca a l’air cool sur le papier mais comme on va le voir ce n’est pas toujours un avantage.

…et divisé.

Votre première étape pour vous inscrire sur Mastodon sera de choisir une instance, et il en existe une infinité. Il y en a des grosses, des petites, des moyennes, certaines qui se focalisent sur des thèmes, comme la technologie, le LGBTQ+, la langue ou encore l’art. Certaines autres sont simplement des communautés, comme shelter.moe par exemple, ou bien liées à un lieu, un pays. Il y a quelques années, L’ETALAB, le laboratoire numérique de l’état, avait testé une instance Mastodon dédiée aux fonctionnaires de l’état. Il fallait un mail d’une entité d’état pour s’y inscrire, mais elle ne dialoguait pas avec les autres instances du « fédivers ». L’instance a fermé depuis, peut-être que l’expérience n’y était pas concluante, mais elle avait été intéressante (je m’y étais inscrit, étant fonctionnaire.) On y voyait de l’entraide, des questions, des réponses, des partages d’articles de presse, etc.

Le site joinmastodon qui est normalement la porte d’entrée de ceux voulant rejoindre le réseau vous recommandera des instances selon certains critères de votre choix, mais il existe de nombreuses autres instances. Certains iront même jusqu’à créer leur propre instance avec uniquement eux dessus. C’est possible (avec la carte kiwi.)

Mais cette décentralisation n’apporte pas que des avantages :

  • L’usurpation d’identité : c’est un épouvantail que beaucoup de détracteurs agitent, mais en soit il existe déjà aujourd’hui avec les mails, où rien n’empêche quelqu’un de créer une adresse avec votre nom chez un autre fournisseur et de se faire passer pour vous. Mais en gros : oui, si vous avez machin@mastodon.social, rien n’empêche quelqu’un d’autre de créer machin@shelter.moe et de se faire passer pour vous auprès d’autres. Votre seule option sera de signaler le compte auprès de l’instance shelter.moe…
  • La modération : Ce qui nous amène à un autre point sensible. Autant sur Twitter la modération peut être lente ou inexistante mais dans les cas les plus extrèmes, elle est efficace. Le compte et les tweets sont supprimés, affaire classée. Mais là… Si vous tombez sur le toot (on dit toot pour un tweet sur Mastodon) négationniste, raciste, nazi, ou peu importe ce que vous pouvez imaginer d’horrible, et que son auteur est sur une instance qui héberge ce genre de comptes, il est fort probable que votre signalement finisse en lettre morte. Après tout, un administrateur d’instance avec de telles idées n’irait pas bannir l’un des siens, n’est-ce pas ? Du coup cette décentralisation soulève tout un tas de nouvelles problématiques. Bien sûr, Mastodon a des outils pour palier à cet exemple : votre administrateur de votre instance peut tout à fait bloquer l’instance nazie en entier pour éviter que vous ne puissiez voir ces messages. Ce qu’il faut retenir c’est que l’adminsitration est elle aussi, du coup, décentralisée, et qu’il est pratiquement impossible de censurer complètement quelqu’un.
  • La confiance : Quand vous vous inscrivez sur Twitter, il y a un cadre légal qui fait qu’en cas de problème avec votre compte vous pouvez vous tourner vers la loi pour faire valoir vos droits. En théorie bien sûr. Mais sur Mastodon, un grand nombre d’instances sont gêrées par une seule personnes (ou un petit groupe) sans forcément avoir un cadre justement. Par exemple sur Twitter personne ne vous virerait du réseau juste parce qu’il ne vous aime pas. Il y a des procédures dans l’entreprise pour éviter ça. Mais sur Mastodon, si l’admin ne vous aime pas, si vous vous faites des ennemis, il y a une possibilité non nulle que votre compte soit supprimé et que vous deviez recréer un compte sur une autre instance. Bien sûr il y a des moyens de palier à ça, par exemple en créant votre propre instance mais soyons réalistes, ce n’est pas évident pour un non informaticien, surtout que le coût financier est relativement elevé. Du coup, il faut quand même avoir un certain niveau de confiance vis à vis de l’administrateur de l’instance sur laquelle vous vous inscrivez.
  • La confiance, bis : Au delà de la vie privée et des bisbilles entre individus, rien n’empêche un administrateur d’instance de claquer la porte s’il en a marre, et de fermer l’instance sans prévenir. C’est déjà arrivé par le passé dans l’histoire de Mastodon et là vous vous retrouvez bien con.
  • La recherche : Hé oui, le fait que tout soit décentralisé rend impossible la recherche puisqu’il faudrait, pour trouver un toot sur un sujet particulier, de chercher sur absolument toutes les instances existantes, ce qui est impossible.
  • Les soucis techniques : Twitter est peut-être centralisé mais il y a de l’argent derrière, des techniciens et ingénieurs qui sont payés pour que ça fonctionne en toutes circonstances. Bien sûr on est jamais à l’abri d’une panne, mais sur une instance Mastodon, celle-ci peut prendre plus de temps. Imaginez : vous êtes sur l’instance de quelqu’un et cette personne part travailler, puis son instance tombe en panne : elle ne pourra régler le problème au mieux qu’à sa pause déjeuner.

Vous n’êtes pas d’accord avec le fonctionnement d’une instance qui a banni votre meilleur pote ou le contenu de pawoo.net ? Pas de problème, vous pouvez déménager votre compte via un système plutôt ingénieux, mais ça reste chiant, au final.

Le fait d’avoir plusieurs instances possibles vous permet cependant d’avoir plusieurs comptes dédiés à vos passions. Un artiste ira se créer un compte sur pawoo.net, la communauté artistique japonaise, et un autre compte sur une instance dédiée au tricotage (si ça existe bien sûr.)

Il y a plein d’autres petits problèmes inhérents à la façon dont Mastodon fonctionne, mais ce sont pour moi les plus gros. C’est vrai que certains points sont plus vrais que d’autres mais ils existent et il est important de les prendre en compte quand on se penche sur ce nouveau réseau social. Il est vrai aussi qu’on peut les retourner à notre avantage…

Comment ça marche en fait, Mastodon ?

Hé bien en fait c’est pratiquement Twitter, mais a une plus petite échelle. En gros, quand vous postez un message, il est envoyé à :

  • Les gens qui sont abonnés à votre compte, peu importe leur instance
  • Les gens qui sont sur votre instance, via leur « Fil local », qu’ils peuvent consulter (sauf si vous avez restreint le toot à vos abonnés uniquement)
  • Les gens qui sont sur des instances où quelqu’un vous suit via le « Fil global » ou « Fil fédéré » selon comment c’est appelé. (selon si vous avez mis des restrictions)

Mais en gros, si vous êtes sur mammouth.fr et que vous postez et si personne ne vous suit depuis shelter.moe, moi je n’ai aucune chance de voir vos messages. Bien sûr il y a la possibilité que quelqu’un que je suis « retoote » votre message, et dans ce cas je le verrai, comme sur Twitter, mais la découvrabilité n’est pas aussi simple que sur Twitter.

Il y a également des hashtags mais il ne marchent que sur les instances que votre instance « connaît ». Et pour que votre instance connaisse d’autres instances il faut que vous ou quelqu’un de votre instance suive le maximum d’instances différentes.

En gros, la toile se construit au fur et à mesure que votre instance se peuple et qu’elle en suit d’autres.

Voilà pour le principe, et on va voir que ça crée une ambiance largement différente de celle de Twitter ou d’un autre réseau centralisé, mais que ça pose aussi des soucis.

La bulle sociale se durcit

C’est un problème déjà repéré sur les réseaux sociaux traditionnels mais qui est encore plus mis en avant ici avec Mastodon : le fait d’appartenir à un groupe, une communauté, une bulle sociale en somme, qui pense comme vous fait que vous n’êtes plus exposé à d’autres pensées. Cela renforce vos croyances et vous rend d’autant plus insensible à d’autres courants de pensées, voir simplement des contradictions. Cela peut avoir des avantages ceci étant dit : sur une instance qu’on apprécie, le fil local vous montrera des gens qui pensent comme vous, qui disent des choses qui vous plaisent et vous comfortent. C’est donc récomfortant, oui. Cela crée un environnement plus sain, car une partie de l’anxieté provoquée par les réseaux sociaux vient bien souvent de choses négatives que vous êtes amenés à voir ou à lire. Cela peut être des gens qui se plaignent, des nouvelles tristes, des messages anxiogènes et pessimistes… Personellement j’ai vécu ça sur Twitter et à un moment j’ai fait en sorte de me désabonner de certains comptes parce que leur contenu m’énervait ou me rendait triste. C’est normal, il n’y a aucun souci avec le fait de vouloir se protéger, il faut juste être conscient de ce qu’on fait.

Au final, si on se limite au fil local, Mastodon devient un Twitter miniature et cette bulle se renforce d’autant plus. Le fil « home » ou personnel remontera néanmoins les retoots de gens que vous suivez, comme sur Twitter. Il n’est pas si différent de la timeline Twitter habituelle (mais sans les tweets sponsorisés.) Même le fil fédéré ne représente qu’une infime partie du « fédivers », qui est l’univers de Mastodon et d’autres outils qui utilisent le protocole ActivityPub.

Attends quoi, tu m’as perdu là ? ActivityPub ?

Petite parenthèse technique mais Mastodon est basé sur ActivityPub, un protocole qui est aussi utilisé par des outils comme PeerTube. Le protocole est assez généraliste mais permet de régir l’interaction entre plusieurs personnes. Mastodon s’en sert pour créer un réseau social à la Twitter, mais PeerTube fait pareil avec un clone de Youtube décentralisé (chacun héberge ses vidéos). On trouve tout un tas de services autour d’ActivityPub. On y trouve des choses intéressantes comme un éditeur de texte décentralisé où chacun peut contribuer à vos textes, un moyen d’échanger des images ou encore de l’audio.

Il existe aussi par exemple un plugin WordPress ActivityPub qui permet à votre blog d’apparaître comme offrant du contenu Mastodon. Cet article peut être vu sur Mastodon si on s’abonne à axelterizaki@www.meido-rando.net du coup, ou en copiant collant l’URL de ce billet dans le moteur de recherche

Une expérience intéressante

C’est comme ça que je qualifierais Mastodon aujourd’hui. A un moment où l’avenir à moyen terme de Twitter est très incertain, quelles alternatives existent vraiment à la plate-forme de microblogging ? Hé bien il n’y a pas grand chose. L’ancien PDG de Twitter essaye de recréer quelque chose mais c’est encore loin, et Mastodon a de nombreux avantages éthiques à Twitter, en redonnant le pouvoir aux personnes sur ce qu’ils postent. Bien évidemment, tout ceci est théorique et le parcours pour Mastodon sera semé d’embuches, mais la vague d’inscriptions aujourd’hui sur le réseau montre qu’il y a peut-être un intêret et qu’on a peut-être atteint un nouveau palier pour démocratiser le réseau.

L’une de ses embuches sera d’attirer les gens les plus influents qui n’ont que peu d’intêret à passer sur Mastodon car ils devront se recréer un réseau. C’est d’ailleurs ce qui fait peur à beaucoup de gens et ce qui leur fait hésiter à s’inscrire. Ce que je vois cependant sur Shelter.moe depuis une semaine, c’est une ambiance assez saine, conviviale, pleine d’entraide et d’interactions au calme.

Une autre embuche est technique : Twitter fonctionne comme je le disais car il y a(vait) des techniciens et des ingénieurs derrière, ainsi que de l’argent pour payer des serveurs. Relayer un tweet à des millions d’utilisateurs ou tout simplement stocker autant d’informations n’est pas sans coût financier. Aujourd’hui Shelter (le serveur qui héberge Shelter.moe) est payé via des dons mais si l’instance grossit trop et de façon exponentielle, cela risque de devenir problématique. Pire encore, on peut voir avec un utilisateur possédant énormément d’abonnés que le moindre de ses toots sur le réseau provoque un raz de marée de connections qui peuvent mettre à genoux l’instance sur laquelle il est. Car oui, quand vous postez un message, et que vous avez par exemple 30 000 abonnés (ou plus), il faut l’envoyer aux 30 000 utilisateurs qui vous suivent pratiquement instantanément. Cela peut prendre du temps et mettre en attente d’autres utilisateurs de l’instance dont les messages n’arriveront pas tant que les 30 000 messages (en vrai c’est beaucoup moins car plusieurs utilisateurs peuvent être sur la même instance donc ça ne fait qu’un seul envoi) ne seront pas partis.

Par exemple si le Joueur du Grenier, qui a énormément de followers, est inscrit sur shelter.moe et poste un message, shelter.moe devra envoyer ce dernier à toutes les instances qui suivent JDG. Il peut y en avoir beaucoup et pendant ce temps le serveur ne peut pas traîter d’autres tâches…

Bref, tout cela n’est pas évident et cette récente vague d’arrivées sur le réseau représente un réel stress test du modèle social et technique qu’est Mastodon.

Comment débuter sur Mastodon ?

Déjà inscrivez-vous, peu importe l’instance à vrai dire. Cherchez une instance sur joinmastodon.org ou bien sur instances.list

Ensuite, c’est à vous de découvrir des gens à suivre :

  • Via le fil local (exemple celui de Shelter.moe)
  • Via l’annuaire de votre instance ou d’une autre (exemple celui de Shelter.moe)
  • Via le fil fédéré
  • Via les hashtag/liens/posts tendance selectionnés par votre instance.
  • Via le moteur de recherche qui vous permet d’ajouter un compte à suivre si vous connaissez l’adresse

Comme vous le voyez y’a quelques outils à votre disposition et 0 algorithmes.

Attention concernant le fil fédéré : Votre instance peut être peuplée de plein de gens, et certains peuvent suivre des comptes qui ne vous plaisent pas. Le fil fédéré vous montrera peut-être du contenu qui va vous trigger ou qui vous déplaira. C’est pourquoi ce n’est pas toujours une bonne idée de le consulter.

Ceci étant dit, j’ai dit que vous pouviez vous inscrire n’importe où mais en vrai le choix de votre instance peut avoir des répercussions sur ce que vous verrez en premier.

  • Une énorme instance comme mastodon.social aura un fil local et fédéré impraticables tellement il y aura de messages à la seconde mais il y a possibilité de trouver des gens plus facilement via les hashtags/posts tendance
  • Une petite instance sera plus calme au niveau du fil local, à condition que vous adhériez à ce qui y est posté. Vous pouvez souvent voir le fil local avant de vous inscrire, sur la page d’accueil.

Il y a aussi des applications mobiles officielles pour Android et iOS, mais aussi des non officielles; Sur iOS je recommande Metatext et sur Android Tusky. Contrairement à Twitter qui bride les développeurs tiers pour pousser leur propre app (avec des pubs), Mastodon laisse la possibilité à quiconque de faire son propre client.

Concernant la modération, rappelez-vous que lorsque vous signalez un compte extérieur à votre instance, il y a deux rapports envoyés : l’un à votre administrateur, l’autre à celui d’en face.

  • Celui d’en face a le choix de suspendre, limiter ou autres le compte de la personne signalée : c’est lui qui en est responsable après tout. Ou ne rien faire du tout bien sûr.
  • Votre administrateur peut simplement limiter le compte en face pour empêcher que ses toots n’arrivent sur l’instance, mais se faisant, il pénalise peut-être quelqu’un d’autre de votre instance qui suit ce compte… Il peut aussi carrément limiter l’instance entière mais c’est pareil, c’est un peu overkill.

Et les avantages de Mastodon sur Twitter ?

J’ai pas parlé du plus important.

  • C’est du logiciel libre
  • Vous pouvez poster 500 (!) caractères par message
  • Vous pouvez ajouter un content warning sur les messages que vous postez
  • Vous pouvez restreindre des posts à vos abonnés uniquement
  • Il y a des émojis personnalisés par instance.
  • Il y a des favoris et plus des likes comme avant sur twitter.
  • Il y a des marque pages
  • Il y a un annuaire des gens par instance pour trouver des profils à suivre
  • On peut lire le contenu d’une instance sans avoir à s’inscrire

Et plein d’autres choses encore.

Du coup comment ça marche de faire sa propre instance ? C’est compliqué ? Ca coute cher ?

Nous arrivons à la seconde partie de cet article où je vais vous expliquer un peu comment je suis arrivé à me lancer dans Mastodon.

Déjà, je gère en partie le serveur Shelter comme vous le savez sans doute. En Avril 2017, Twitter avait décidé de faire une vague de ban de porno sur son réseau. Cela a conduit nombre de gens à la boycotter, et ça a mis en lumière un petit réseau social qui était encore un peu là à tatonner : Mastodon.

Un peu innocemment, je me suis mis à installer une instance Mastodon sur Shelter. C’est plus la curiosité qui m’a poussé à le faire, et je voulais voir ce que ça donnait. Puis j’y ai vu des gens s’y inscrire. Des inconnus mais aussi des gens que je connaissais de Twitter. Certains ont d’abord commencé à cross-poster (poster le même message entre Twitter et Mastodon) via un programme mais d’autres ont posté du contenu original propre au réseau.

Ca m’a obligé à me pencher sur tout un tas de problématiques, à commencer par la modération. Car oui, on a beau se dire qu’on veut une istance libre, où on peut dire ce qu’on veut, qu’on ne souhaite pas limiter les gens, mais le fait est que dans la pratique c’est impossible et qu’il y a des choses qu’on ne doit pas laisser passer.

J’ai aussi dû lutter contre les bots. L’instance étant publique, n’importe qui peut s’y inscrire, et j’ai fini par installer des blocages niveau IP et serveurs de mails pour empêcher des pans entiers d’internet de s’inscrire sur l’Instance. Des bots vietnamiens, thailandais ou américains, j’en ai vu passer un sacré paquet. Il s’agissait surtout de comptes qui ne postaient rien mais dont le profil contenait une publicité. Casinos en ligne, financement chelou, j’ai vu passer tout et n’importe quoi, et ça m’a vraiment formé à une tâche que je ne pensais pas faire dans ma vie. Avant que j’installe un blocage un peu sophistiqué, il y avait parfois 20-30 comptes chelous par jour. Et à une époque on devait manuellement les virer du serveur, sans possibilité d’en selectionner plein et d’appuyer sur suspendre.

Enfin, il y a eu des soucis un peu plus techniques à gérer. Déjà le cache de l’instance, qui représente tous les médias vus par les membres de celle-ci, mais aussi ce que les gens postent eux-mêmes. Par exemple quelqu’un sur l’instance consomme à lui tout seul 5 Go d’espace disque avec des images qu’il poste. Les statuts, et tout le reste de la base de données d’ailleurs, représente environ 20 Go d’espace disque. Pour reparler du cache, c’est environ 90 Go qu’il occupe sur l’instance, et faut encore que je regarde comment le limiter. Enfin, il y a le CPU et la mémoire que tout ça consomme, et j’avoue qu’au début je ne pensais pas que ça prendrait autant.

Shelter est assez puissant, mais il arrivera probablement un moment où ça ne suffira plus entre les sites web qu’il héberge et Mastodon et d’autres services et il faudra faire un choix, et peut-être mettre à contribution les utilisateurs de l’instance un peu plus. Mais heureusement on est encore loin d’y être.

J’ai aussi vu pas mal d’instances assez connues s’effondrer parce que les admins se sont rendus compte que bah, c’était parfois un boulot très prenant et que c’était pas « juste » laisser tourner une app sur son serveur, c’était aussi beaucoup de gestion humaine à faire, parfois à subir des dramas à la con et autres tensions dont je me passerais personellement fort bien. Ce n’est pas simple et certaines instances, parfois avec des milliers d’utilisateurs, ont tout simplement disparu du jour au lendemain, pouf comme ça. Ca fait assez froid dans le dos quand on y pense.

Bref, c’est un peu devenu une sorte de responsabilité vis à vis de ceux qui s’étaient déjà inscrits depuis un bail et qui continuaient à utiliser l’instance. A ceux-là, j’aimerais m’excuser de ne pas avoir été trop présent, mais je vous rassure, je gardais toujours un oeil sur ce qu’il se passait.

Après, jusqu’à la semaine dernière, j’utilisais Mastodon de façon sporadique. Je n’y postais pas vraiment, mais je venais vérifier que tout allait bien de temps en temps. Je faisais aussi les mises à jour régulièrement ne serait-ce que pour la sécurité, mais en gros je gérais l’instance pour les autres plus que pour moi.

Cela change un peu mais je reste encore attaché à Twitter et ce que j’y trouve (et pas que pour le NSFW, haha). Mais depuis une semaine, je suis beaucoup plus présent et actif, et aux petits soins des demandes des utilisateurs quand il y en a. Comme il y a beaucoup de petits nouveaux il ya plus de contenu à lire, et par des gens motivés à poster des choses intéressantes (et d’autres moins, c’est sûr.)

J’ai également solicité de l’aide pour la modération vu le monde qui s’était ajouté à l’instance, et je n’ai pas été déçu d’avoir obtenu de l’aide de Nemo et Sunseille en plus de Lau qui était déjà là.

Aujourd’hui l’instance tourne bien grâce à des optimisations que j’ai faites (et qui ont malheureusement coupé l’instance pratiquement toute une journée) mais c’est le jeu, ça demande du temps, de la patience, et quand même un investissement financier certain. Même si Shelter ne fait pas tourner que Mastodon, le serveur coûte déjà 90€ par mois, heureusement payé en majeure partie par des dons (parfois en totalité selon les années). Le plus gros invetissement reste le temps et ça personne peut me le payer 🙂

Et toi Axel dans tout ça ?

J’en ai déjà un peu parlé mais j’aime bien ce qu’il se passe avec Mastodon. je suis ça de près parce que c’est intéressant de voir une alternative un peu crédible à Twitter. Peut-être qu’à un moment la bulle va éclater et Mastodon va s’écrouler sous son propre poids (pour un éléphant ça ferait sens) mais pour le moment c’est plutôt cool et ça fonctionne bien.

Et rien que le fait de fournir un service à d’autres, de me rendre utile, de permettre à certains d’avoir un endroit confortable où s’installer, ça me fait beaucoup de bien. Je me sens comme une certaine aubergiste d’une certaine histoire dont je parle un peu trop (mais je me soigne, vous voyez, j’ai réussi à taper autant de mots sans citer The Wandering Inn, et euh… ah zut.)

Après, je me fais pas de films : comme je vous le disais il est peu probable que Twitter disparaîsse de la surface de la terre, et les habitudes sont trop ancrées chez certains pour les faire changer de crémerie du jour au lendemain. Cela prendra du temps. Peut-être qu’entre temps un nouveau réseau privé trop bien fera son apparition et fera migrer tout le monde dessus. Car les désavantages de Mastodon sont là, ils existent, et plein de gens refusent de les voir, notamment car ces désavantages peuvent devenir des avantages.
Reste que chacun peut et doit s’interroger sur son avenir sur Twitter, c’est important et il faut envisager toutes les possibilités. Créer un compte, ça ne coûte rien après tout !

Moi pour le moment je reste sur Twitter parce que c’est ce que j’utilise pour m’informer et découvrir de nouvelles choses. Oui ça remplace les multiples flux RSS auxquels s’abonner, mais qui propose encore des flux RSS fiables de nos jours ? De la même façon, Twitter peut aussi être un formidable outil de solidarité et d’entre-aide, comme est Mastodon. Ce ne sont que des outils, et c’est à chacun de faire l’effort de policer sa timeline et ses abonnés et de virer ceux qui la pourrissent (parfois sans le vouloir : quelqu’un que vous suivez est scandalisé par un évènement et le retweet, au final ça arrive chez vous alors que vous vouliez juste voir des vidéos de chats mignons et l’annonce du dernier test de Gamekult…)

Le jour où Twitter deviendra réellement invivable, je sais qu’il y aura un endroit sympa ou papoter avec des gens cools et découvrir de nouvelles choses, ça sera juste pas pareil. On s’adaptera. On s’est toujours adapté aux changements d’outils. Quand Caramail ou ICQ ont sombré, d’autres sont venus les remplacer. Peut-être que Mastodon remplacera Twitter pour plein de monde, peut-être pas. En temps et en heure, on sera amenés à migrer vers autre chose, mais il est encore trop tôt pour enterrer Twitter.

Le plus important c’est que VOUS, vous trouviez l’outil qui vous plait le plus, et c’est un des grands avantages de Mastodon : c’est libre, il y a toujours moyen d’accéder à des alternatives.