Heavy Rain

Heavy Rain est un bon gros jeu à polémique comme on en voit pas si souvent. Polémique parce que les reviews des magazines et sites de jeux vidéos sont diverses et variés. On trouve des gens qui ont beaucoup aimé, d’autres beaucoup moins, et il y en a d’autres enfin qui ont tout simplement voulu faire de la lèche à l’éditeur et/ou développeur du jeu. Comme d’habitude quoi.

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Du coup, ça m’a intrigué, et je me suis bien demandé pourquoi tant de raffut autour de ce jeu. Le hype chez moi, plutôt que de me faire fuir comme tous ces gens qui cherchent à se sentir différents du peuple standard en crachant sur tout ce qui est populaire, moi ça me pousse à la curiosité. Après tout, si tant de gens en parlent, c’est que ça doit être surprenant, original, ou tout simplement intéressant? Bon, parfois ce n’est pas le cas, mais ça vaut quand même le coup d’essayer.

Véritable Dragon’s Lair des temps modernes, Heavy Rain lui doit beaucoup, à lui et à tous ces innombrables jeux interactifs des années 90, lorsque le CD a fait son apparition dans l’univers vidéoludique. Souvenez-vous de jeux comme Mad Dog Mc Cree! En utilisant de façon extensive la vidéo, Dragon’s Lair et d’autres permettaient de finalement choisir son aventure en appuyant sur quelques boutons à des moments clés, avec un timing parfois très serré. Pas très interactif finalement, mais certains joueurs préféraient suivre une histoire et l’influencer même vaguement.

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Heavy Rain est finalement une évolution de ces jeux: de nombreuses scènes du jeu sont parsemées de ce qu’on appelle des QTE aujourd’hui, ou des "Quick Time Event". Ce sont en général des boutons à presser dans un certain ordre, ou des mouvements à effectuer au stick, lorsqu’ils sont affichés à l’écran. Parfois ces indications ne restent vraiment pas longtemps et il faut soit connaître la scène par coeur (même si les boutons changent d’une partie à l’autre) ou soit avoir l’oeil vif et de bons réflexes. Loin d’être impossibles aux débutants, certaines séquences vous demanderont de vous y reprendre à plusieurs fois pour ne pas faire mourir l’un de vos personnages comme une merde. Car il y a des QTE pour tout et pas seulement pour les scènes d’action (très réussies). Sortir de la voiture, mettre sa ceinture, boire un verre, trinquer, téléphoner, se lever, ouvrir une porte…

L’autre aspect du gameplay de Heavy Rain, c’est lorsque vous déplacez votre personnage. Déplacements qui vous feront instantanément regretter les scènes où vous ne faisiez rien à part regarder et appuyer sur des touches quand le moment venait, car ces déplacements sont lourds, votre personnage se traîne, ne court pas, bute dans le moindre obstacle… Chaque élément du décor avec lequel vous pouvez interagir dans ces phases se trouve signalé par un mouvement du stick analogique à l’écran. On tourne les pages d’un livre, on regarde par la fenêtre… Toutes ces actions peuvent paraître lourdes sur le papier, mais une fois qu’on est confortablement installés dans le jeu, ces actions, même minimes, permettent de ne pas avoir envie de relâcher la manette pendant une séquence qu’on croit non interactive et de rester bête spectateur.

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On sent tout simplement que les développeurs ont voulu le plus possible donner de libertés au joueur tout en l’emmenant vers l’intrigue qu’ils proposent. Intrigue pour le moins bateau, avec un tueur en série, des cadavres, des flics, une journaliste, un suspect potentiel… Tous les ingrédients d’un bon petit thriller hollywoodien sans prétention se trouvent là. Surtout, on ne saura vraiment que peu avant la fin du jeu qui est le véritable tueur aux origamis, et c’est ça qui finalement est intéressant: laisser planer le doute au joueur qui suit l’aventure, même si certains passages et rebondissements sont assez capilotractés voir complètement improbables.Cependant au final, l’histoire est restée cohérente malgré ces petits défauts. A aucun moment je ne me suis retrouvé comme un con, comme si j’avais loupé une rame entière de métro. Non non, les chapitres s’emboitent bien entre eux, et y’a eu un vrai travail pour proposer au joueur une aventure dont il est le héros, même si elle est au finale assez courte.

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Il ne vous faudra en effet pas plus d’une bone dizaine d’heures pour voir la fin du jeu, parmi les multiples fins possibles, selon qui survit ou selon les actions que vous avez entreprises à certains moments clés. Il y a tellement de QTE, mais il faut savoir qu’en manquer quelques unes ne vous pénalisera pas forcément, voire pas du tout, tandis que d’autres sont absolument capitales et influent sur la vie du héros que le joueur dirige. C’est parfois assez frustrant, surtout qu’on ne sait pas exactement à partir de quel moment on ne doit plus en rater une. Néanmoins, pas de game over si vous mourez: le jeu continue, mais avec cette nouvelle donnée prise en compte. Sachant que vous dirigez quatre personnages à tour de rôle, qui sont tous plus ou moins mélés au tueur aux origamis, les différentes combinaisons de fins sont assez nombreuses pour doubler la durée de vie du jeu: il est en effet possible de rejouer n’importe quel chapitre et d’en changer le dénouement. Le jeu vous prévient alors que les chapitres suivants ne seront plus cohérent à moins que vous ne les rejouiez.

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L’histoire est comme je vous le disais, très inspirée des meilleurs films du genre: Ethan, père de famille heureux comme tout, voit sa vie basculer du jour au lendemain par un drame. Il devient alors l’ombre de lui-même et va être rapidement confronté au tueur aux origamis qui sévit en ville: un tueur qui n’opère que lors des longues périodes de pluie et qui noie ses victimes, des jeunes garçons, avant de laisser leurs corps sans vie dans un terrain vague avec un origami dans une main et une fleur d’orchidée sur la poitrine. A part Ethan, vous prendrez également le contrôle de Scott le détective privé-katamari qui cherche le tueur de son côté, Maddison la journaliste qui tente d’avoir son scoop, et Norman, le type du FBI qui est venu aider les flics locaux à retrouver le tueur. Chacun va suivre sa route, qui va les mener ou pas au tueur. Ca met un certain temps à démarrer, mais rapidement le scénario prend son envol et tout se passe bien passé le premier quart du jeu.

Selon comment vous jouerez chacun de ces personnages, s’ils survivent à certaines scènes ou s’ils arrivent à trouver l’identité ou la localisation du tueur, vous aurez une fin plus ou moins heureuse, mais une fin en soi, et c’est finalement ça qui est plutôt sympa: le jeu ne vous punit pas pour une scène complètement raté. Parfois votre personnage y survit même tout seul, ou l’aventure se poursuit, avec les conséquences que ça implique.

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Techniquement parlant, le jeu cotoie le très bon par moments comme le très mauvais, avec des coupures de son (rares), des bugs empêchant de bouger au début de certaines scènes (moins rares, il faut quitter puis relancer le jeu), des textures qui frisent parfois le niveau de détail d’une PS2… Fort heureusement, certaines scènes et certains personnages sont très bien modélisés et texturés, et leurs mouvements très crédibles, tandis que d’autres fleurent bon la marionette, un peu comme je le reprochais à The Last Remnant. Les doublages sont quant à eux très corrects même si le lipsync laisse à désirer (sûrement câlé sur le doublage anglais). A part ça et les contrôles quand on dirige son personnage à la troisième personne qui donnent envie d’organiser un rendez-vous galant entre Monsieur Mur et Madame Manette, y’a pas grand chose d’autre à signaler.

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Alors c’est certain, Heavy Rain n’est pas la branlette culturelle et la révolution du jeu vidéo décrite par son créateur qui s’est bien foutu de la gueule de tout le monde avec ça, d’ailleurs. Cependant, il n’en reste pas moins un récit interactif très sympa à suivre et sur lequel le joueur influe d’une façon plus ou moins prononcée selon les moments. Expérience intéressante, surtout que regarder quelqu’un d’autre jouer m’a permis de voir que certaines scènes ont tellement d’interactions parfois qu’on a pas fait exactement la même chose ni la même histoire. Après, ce ne sont que des variations minimes, mais elles sont là tout de même. Si vous êtes du genre à apprécier les Visual Novel comme CLANNAD et compagnie, ou les Final Fantasy pour leurs histoires et leur mise en scène, alros Heavy Rain vous plaira sans doute. Pour les autres, ça ne sera même pas un jeu, indigne d’intêret et chiant à jouer. En ce qui me concerne, je garderai certainement un très bon souvenir du jeu, tout simplement parce qu’il n’est comme aucun autre auquel j’ai joué récemment. C’est vrai après tout, on a des jeux de tir à la première et troisième personne en pagaille, des RPGs japonais ou occidentaux à foison, mais aucun ne raconte une histoire comme Heavy Rain le fait, et finalement ça en devient original, même si l’histoire en elle-même n’a rien d’extrèmement surprenant ou bien trouvé, elle se suit néanmoins avec plaisir pour peu qu’on apprécie un bon thriller de base.

Au moins, ça nous change de tout ce qu’on nous sert en ce moment, et ça fait du bien, un gameplay différent de temps en temps, malgré tous ces petits défauts.